Vue avec les yeux exigeants des rapatriés, la France de 1945 a bien changé. Les uns ont quitté leur patrie depuis un peu plus d’un an, les autres depuis cinq longues années. Leur ignorance des conditions d’existence dans le pays libéré est à la mesure de la durée de leur absence.
Un ancien prisonnier chaumontais résume bien l’ensemble des déceptions des rapatriés de 1945 : Je suis très déçu, voire écœuré de constater la mentalité actuelle des gens. Chacun ne pense qu’à soi. Depuis ma rentrée, je ne fais que courir de tous côtés, renvoyé de bureau en bureau et toujours accueilli de façon décevante.
Quant aux Français qui ont eu la chance de rester chez eux, comment accueillent-ils leurs compatriotes qui reviennent d’Allemagne ? Dans un premier temps, pour autant qu’ils ne soient pas trop nombreux et soient, de préférence, vêtus du costume des concentrationnaires, ces derniers sont choyés.
En 1985, un témoin pleurait encore en se souvenant qu’à son entrée dans une brasserie parisienne, en costume de bagnard, l’orchestre s’était arrêté et avait entonné La Marseillaise. II est vrai aussi qu’il avait eu la chance de rentrer parmi les premIers. Car, rapidement, les rapatriés, toutes catégories confondues, ont été banalisés, voire carrément rejetés.